source : Le Temps 11 octobre 2002

L'intrapreneuriat ou comment stimuler et r�aliser l'innovation dans l'entreprise

Marjorie Siegrist

En ces temps de morosité, les entreprises ont tendance à se morfondre. Face aux incertitudes de l'avenir, la motivation s'amenuise, étouffant bien souvent toute créativité. Pourtant Raphaël H Cohen, entrepreneur en série et consultant en intrapreneuriat, considère que l'instabilité est créatrice d'opportunités. "En période de récession, explique-t-il, il y a deux solutions: se replier sur soi ou rebondir face à l'adversité en innovant pour sortir du lot." Au sein de grandes entreprises, cette dynamique prend le nom d'intrapreneuriat et consiste à agir comme un entrepreneur, mais dans la société dont on dépend. C'est de cette notion encore floue, mais à l'avenir sans doute prometteuse, qu'il était question lors du First Tuesday organisé ce mois-ci à Genève.

Si, aujourd'hui, Raphaël H Cohen peut prêcher pour une politique de changement au sein des entreprises, c'est qu'il l'a lui même expérimentée à maintes reprises, tant en Suisse qu'à l'étranger. Ses multiples expériences ont développé son sens de l'essentiel et lui ont permis d'élaborer de véritables stratégies, qu'il partage maintenant par le biais de ses activités de coaching, de mentoring et d'enseignement. Sa recette: le "management by opportunity", ou comment stimuler les attitudes et les comportements entreprenants au sein des entreprises. Les fondements de ce concept ne sont certes pas nouveaux. Depuis longtemps, boîtes à idées et centres de suggestions ont trouvé leur place dans les grandes et moyennes entreprises. Cependant, là où souvent le bât blesse, c'est lors de la concrétisation des bonnes intentions de départ. Pour pallier cette difficulté, Raphaël H Cohen offre dans ses séminaires et dans un certificat de formation continue en entrepreneurship organisé pour la deuxième année, par HEC Genève, des outils, expérimentés et résolument pratiques, pour évaluer et concrétiser les projets innovants. "Cette formation, basée sur des cas réels d'entrepreneuriat, me fait découvrir des méthodes directement applicables sur mon lieu de travail", précise Emmanuel Guex, employé dans une entreprise suisse d'import-export.

Anticiper les écueils
Pour pouvoir entreprendre, il faut qu'il y ait une opportunité favorable à l'émergence d'une nouvelle idée, d'un projet inédit pour l'entreprise. Bien souvent, l'espace de créativité existe déjà, encore faut-il le repérer. Ensuite, le processus intrapreneurial à proprement parler peut se mettre en place. C'est là que la boîte à outils proposée par le professeur Cohen devient pertinente, car elle contient des techniques pour tester la faisabilité d'un projet, pour s'assurer de sa compatibilité avec les objectifs de l'entreprise, pour planifier sa mise en œuvre en utilisant toutes les ressources à disposition, et pour obtenir le soutien des autres et de la direction. Concrètement, pour éviter le délicat problème du rapport de force hiérarchique, par exemple, Raphaël H Cohen recommande de consulter son supérieur sur la pertinence d'un projet, plutôt que de chercher à l'en convaincre. Ce dernier se sent ainsi intégré à la démarche et n'est pas bousculé dans son autorité.
Toute cette préparation en amont de la concrétisation du projet est un point clef pour en assurer le succès. "Ainsi, précise l'entrepreneur, contrairement à ce que la notion de changement et d'innovation peut présupposer, il n'est pas nécessaire d'avoir le goût du risque, mais bien de savoir le gérer en prévenant les dangers, en limitant les imprévus ainsi que les aspects aléatoires." Une fois que l'on a navigué brillamment entre les écueils internes, le projet a de fortes chances d'être réalisé, comme cela a été le cas, à la BCGE, par exemple.

Découvrir son potentiel
"Poussée par les événements, la BCGE a mis en place une procédure intrapreneuriale dès l'automne 2000, explique Blaise Goetschin, CEO de la banque genevoise. Il était nécessaire que nous nous renouvelions, et nous avons choisi de renforcer et de professionnaliser notre activité de gestion de fortune en proposant un produit novateur. Une année plus tard, grâce au travail intensif et conjoint de divers secteurs internes, nous mettions sur le marché un portefeuille de fonds de placement destiné aux fortunes de plus de 100 000 francs." Désormais, la banque genevoise cherche à reconduire cette expérience positive (690 mandats ont été conclus au 30 septembre) tant pour l'image de l'établissement que pour la motivation des employés. Pour diffuser cette politique de changement et l'intégrer à la culture de l'entreprise, un séminaire d'intrapreneuriat a été organisé. De l'avis des participants, ils y ont non seulement appris une méthodologie concrètement applicable, mais ils ont surtout redécouvert l'enthousiasme de la création et l'incroyable potentiel d'innovation qui est le leur.

Raphaël H Cohen est persuadé que tout le monde trouve son compte dans l'intrapreneuriat, dirigeants et employés. Les premiers repèrent ainsi les éléments les plus à même de participer à la progression de l'entreprise, alors que les seconds se sentent impliqués et valorisés. Développer un projet à l'intérieur d'une entreprise est un processus qui renforce la cohésion interne et valorise la notion de collaboration. Si la démarche intrapreneuriale s'inscrit dans le long terme et qu'elle s'intègre à la culture de l'entreprise, elle peut faire la différence, au niveau concurrentiel, et permettre à une entreprise d'être plus performante. Encore faut-il que la direction fasse l'impasse sur son amour propre, accepte de déléguer une part de contrôle et offre à ses employés un espace d'innovation et de liberté.

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