" D'abord les révolutionnaires prendront
vos marchés et vos clients. Ensuite, il prendront
vos meilleurs employés. Finalement, ils prendront
vos actifs ". C'est dans ces termes que Gary
Hammel, le célebre guru de la réflexion
stratégique, prédit l'avenir aux entreprises
qui n'auront pas adapté leur culture a la nouvelle
donne. Mais qui sont ces " révolutionnaires
" qui font planer la menace ? Ce sont les entrepreneurs
investis d'une mission. Celle qui consiste a implanter
leur entreprise ou leur projet sur le marché,
en s'appuyant sur une innovation qui leur permettra
de coiffer au poteau les mastodontes se reposant sur
leurs lauriers.
Il n'est pas ici question de nouvelle économie
ou de " dot.coms " éphémeres,
mais plutôt de la capacité des entrepreneurs
a saisir les opportunités. Ils savent non seulement
les identifier mais surtout les saisir a bras le corps
en profitant de la mobilité et la flexibilité
de leur entreprise. C'est David contre Goliath. Il suffit
de prendre quelques exemples pour se rendre compte qu'il
y a de plus en plus de Davids, qui gagnent, et
par conséquent de Goliaths, qui s'affaiblissent
ou perdent des parts de marché : Dell, un David
qui n'existait pas il y a quelques années, est
devenu le premier constructeur de PC. Xerox, Lucent
ou meme Marks & Spencer sont des exemples de Goliaths
qui s'essoufflent. Cette approche un peu alarmiste exagere
vraisemblablement la réalité. Elle met
néanmoins en évidence le fait que les
grandes organisations souffrent de leur inertie. Elles
réagissent trop lentement face a un environnement
qui évolue de plus en plus rapidement. Les grandes
entreprises pharmaceutiques ont compris qu'a l'avenir
beaucoup de médicaments proviendront de startups
innovantes. Ce constat les amene, par exemple, a modifier
leur business model de maniere a utiliser leur infrastructure
et leurs ressources pour commercialiser les médicaments
développés par des startups biotech. La
participation dans des fonds de capital risque par Novartis
ou les autres acteurs de l'univers pharmaceutique n'est
pas le fruit du hasard. Elle répond a la nécessité
de rester en prise avec l'univers des entrepreneurs,
ceux qui innovent et qui pourraient représenter
une menace ou
une opportunité. L'acquisition
de startups innovantes ou la mise en ouvre de partenariats
est une voie, mais elle ne suffit pas. L'innovation,
celle qui menace les grands de ce monde, ne s'exprime
en effet pas seulement dans des nouveaux produits. Elle
peut aussi s'exprimer dans des processus opérationnels
innovants qui se traduisent par un nouveau niveau d'excellence.
Dell, Easyjet ou Federal Express ont innové en
optimisant certaines fonctions opérationnelles.
L'innovation, c'est le résultat d'un état
d'esprit qui affecte toutes les facettes de l'entreprise.
La cause est-elle perdue pour les multinationales et
les grandes organisations ? Je pense que l'espoir existe
encore car, pour innover et saisir les opportunités,
il suffit
de se comporter en entrepreneur ! Plus
facile a dire qu'a faire ? La voie royale semble tracée
par " l'Intrapreneurship ". Cette nouvelle
approche consiste a adapter les valeurs, attitudes,
outils et comportements de l'entrepreneurship -version
startup- aux besoins et a l'environnement des grandes
organisations. Mission impossible ? Pas du tout, car
il existe heureusement des méthodes pour former
a l'intrapreneurship. Elles ont non seulement le mérite
d'améliorer la performance et l'efficacité
des entreprises mais aussi celui d'augmenter la satisfaction
des collaborateurs devenus " intrapreneurs ".
Ceux-ci sont ainsi moins enclins a se laisser séduire
par les sirenes des startups, qui ont déja "
détourné " bon nombre de talents.
Intrapreneurs, entrepreneurs, meme combat : a l'affut
des opportunités, ils travaillent en équipe,
pour assurer le succes de leur organisation. Ce succes
représentera la clef de leur promotion au sein
de leur entreprise tout en contribuant a leur épanouissement
personnel. L'intrapreneurship est une opportunité
a saisir. Espérons que les dirigeants des grandes
entreprises sauront la saisir, autrement dit, se comporter
en entrepreneurs.
Raphaël H Cohen, info@getratex.ch,
CEO Getratex SA, administrateur de sociétés
et consultant, co-responsable des cours d'entrepreneurship
a l'EPFL et HEC Geneve.
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